Un poulain comme premier cheval, une bonne idée ?
« J’aimerais choisir un poulain comme premier cheval, qu’en pensez-vous ? » Ah, cette fameuse question !! On me la pose si souvent que j’ai décidé d’y répondre au travers d’un article lorsque je l’ai lue dans l’un de vos messages hier soir encore.
Pourquoi devenir propriétaire d’un cheval ?
Je pense qu’avant de choisir un cheval avec lequel cheminer, il est intéressant de se poser pour bien réfléchir. Pourquoi cherches-tu un cheval ? Pour quelle raison sens-tu le besoin d’être propriétaire d’un cheval plutôt que d’évoluer auprès d’un cheval d’une structure équestre ? Vous qui me suivez êtes généralement des femmes rêvant de créer une relation belle et harmonieuse avec un compagnon équin. Vous souhaitez un cheval qui soit le vôtre pour partager avec lui quelque chose d’unique. Pour vivre à ses côtés une aventure transformatrice et nourrissante. Je vous comprends complètement car c’est ce qui m’a toujours attirée vers les chevaux ! Et de telles aventures j’en vis quotidiennement depuis de nombreuses années, et j’aide nombre d’entre vous à en vivre.
C’est pourquoi je peux te poser ces questions : Pourquoi une relation serait-elle plus forte si on la construit avec un être « neuf » plutôt qu’avec un être disposant d’une riche expérience de vie ? Quelle serait la différence entre vivre une belle aventure avec un cheval déjà formé et laisser d’autres personnes former votre poulain pour toi ? Penses-tu qu’un cheval cesse un jour d’apprendre et que donc une fois éduqué par un autre il perd sa « valeur » ? Sa capacité à te guider au quotidien ? Pour moi, l’âge d’un cheval est sans rapport avec sa capacité à aimer et à se laisser aimer. J’ai rencontré des chevaux de plus de 20 ans qui m’ont transformée en quelques secondes à peine. Ce sont des professeurs merveilleux pour qui sait leur ouvrir son cœur !
À jeune cheval vieux cavalier, à jeune cavalier vieux cheval
N’importe quel cheval peut t’enseigner des milliers de choses. Cependant, il est de ton intérêt comme du sien de bien choisir ton compagnon. Et je sais que tu as déjà entendu cet adage et qu’il t’a peut-être agacée. Mais la sagesse populaire n’est pas toujours dénuée… de sagesse ! Construire un mode de communication inter-espèce demande un apprentissage. De ta part comme de celle du cheval. Or, mon expérience auprès de très nombreux couples humain / cheval m’a montré qu’il est très difficile d’apprendre en même temps que le cheval. D’où ce fameux adage.
Lorsque tu commences à travailler à pied ou en selle, tu découvres un nouveau langage. Tu apprends à sentir et à utiliser ton corps comme tu ne l’avais jamais fait avant. À prendre conscience de ta position dans l’espace. À écouter et à utiliser ton intuition. Et à comprendre le cheval, ses instincts, ses réactions, ses modes d’apprentissage, etc. À ce stade, échanger avec un poulain est très compliqué ! En effet, il n’a pas encore appris, lui non plus, à composer avec l’être humain. À gérer ses erreurs et ses hésitations. Il se développe, il grandit, et il a besoin de guides bien ancrés, sûr d’eux et rassurants auprès de lui. De même que tu peux facilement perdre confiance en toi comme en lui si le cheval qui t’accompagne dans ces apprentissages est impatient, distrait ou a des réactions imprévisibles ou de défense.
Du poulain au cheval adulte
Qui ne fondrait pas devant un poulain ? Bien sûr qu’ils sont adorables ! Cependant, un poulain ne reste pas poulain sa vie durant. Comme tous les animaux – humains y compris – il grandit. Et ce développement ne va pas sans heurts. Les premières années, ils apprennent les limites, ce qu’ils peuvent faire ou non avec un être humain. Il est important de bien gérer ces débuts car il est parfois difficile de rectifier de mauvaises habitudes prises à ce stade. Par exemple, pousser, charger, mordre, envoyer es postérieurs, etc. Jusqu’à quatre ans environ, ils ne sont que jeu et curiosité. Tout les attire, rien de leur fait peur, ou presque. Vers l’âge de 5 ou 6 ans, ils sont « adolescents » et commencent à affirmer leur caractère à mesure qu’ils prennent conscience de leur force. C’est souvent un passage très difficile pour les propriétaires. Ils ne reconnaissent plus leur gentil poulain ! Puis entre 7 et 9 ans le cheval devient adulte et finit de murir sur tous les plans. Physiquement, émotionnellement, psychologiquement.
Choisir un poulain, c’est comme adopter un bébé. On ne peut avoir aucune idée de celui ou celle qu’il sera une fois adulte. Ni des épreuves qu’il nous faudra franchir avec lui. Or, un cheval fait environ 500kg et régit par la crainte et la fuite. Il peut s’avérer très dangereux pour lui-même et pour l’humain lorsque celui-ci commet des erreurs. Choisir un cheval adulte comme premier compagnon, c’est donc un choix sage pour toi comme pour lui.
Souviens-toi que les exceptions confirment les règles !
Évidemment, il existe de belles histoires qui peuvent contredire ce conseil. Des histoires de débutants qui ont beaucoup appris en choisissant un poulain comme premier cheval. Mais souviens-toi que s’il existe des exceptions, c’est bien parce qu’il y a une règle de base. Depuis des années que je rencontre des cavaliers, j’ai vu bien plus souvent des échecs que des réussites. J’ai vu des gens se faire charger par leurs poulains. Ces poulains leur envoyer violemment les postérieurs en reculant vers eux. J’ai vu des cavaliers tremblant de peur à l’idée d’aller mettre un licol à leur poulain et de les tenir pour un soin. De jeunes chevaux devenus brutaux parce que poulains ils avaient appris à ne pas faire cas de l’humain. Chaque fois, les gens finissent par trouver une personne comme moi pour rééduquer leur poulain. Et ça fonctionne. Mais ça n’efface pas la peur qui s’est ancrée en eux ni la réserve qu’ils gardent ensuite dans toutes leurs relations avec des chevaux.
C’est pourquoi je te conseille de choisir comme premier compagnon un cheval sage, adulte, expérimenté. Un cheval qui pardonnera tes erreurs. Qui comprendra tes demandes même si elles manquent de précision. Qui a tant à enseigner, à donner et à recevoir, mais dont tu ne porteras pas la responsabilité de toutes les premières fois. Tu verras que déjà ainsi l’expérience sera plus dure et plus formatrice que tu ne l’aurais jamais imaginé ! Et un jour, peut-être, tu te sentiras d’éduquer un poulain.
Oui mais un cheval d’un certain âge a déjà plein de traumatismes !
Voilà une réserve que j’entends très souvent. Un cheval qui a été éduqué par un ou une autre, qui a vécu des choses dont tu ne saura jamais rien risque de porter plein de traumatismes qu’il sera difficile de guérir. D’abord, toi aussi tu peux faire des erreurs et traumatiser ton cheval. J’en suis témoin au quotidien. Ensuite, lorsque tu rencontreras pour la 1ère fois ton futur compagnon, fais-toi bien accompagner. Par quelqu’un qui connait bien non seulement les chevaux mais le monde du cheval. Cette personne expérimentée saura très vite te dire si le cheval est bien dans son corps et dans sa tête ou non. De cette façon, tu mettras toute les chances de ton côté.
Et je t’assure que tu seras a plus heureuse du monde lorsqu’à peine arrivé dans sa nouvelle écurie – après un bon mois d’acclimatation – ton nouveau compagnon te suivra déjà dans toutes tes aventures !
Et si je suis bien entourée ?
Oui, vous me la posez toutes, cette question là aussi ! Bien entourée, ce serait plus facile certainement. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Et combien cela couterait-il ? Être bien entourée, ce serait avoir autour de toi des personnes compétentes et bienveillantes au quotidien. Des personnes disposées à t’enseigner. À t’entourer lors de toutes tes premières fois. Et à prendre ta place lorsque tu ne te sentiras pas de gérer tel ou tel problème. À débourrer ton poulain. Peut-être aussi à le monter lorsque son caractère et sa force se développeront et qu’il sera plus délicat. Ce serait génial ! Une formidable possibilité d’apprendre avec un poulain comme premier cheval !
Mais connais-tudéjà cette personne ? As-tu déjà constaté la valeur de son expérience et de ses compétences ? As-tu vérifié qu’elle est bien prête à te suivre dans une telle aventure ? Es-tu prête à rester proche d’elle tout le long de ce parcours, donc plusieurs années ? As-tu défini avec elle la forme que prendrait ce soutien ? Le tarif de ses prestations ? As-tu réfléchi au fait que sans doute, il te faudra aussi prendre des cours avec d’autres chevaux en parallèle pour mieux guider ton poulain par la suite ?
Poulain ou adulte, fais ton choix en conscience, qu’il s’agisse ou non de ton premier cheval
Choisir un poulain comme premier cheval, c’est possible. Mais ce n’est pas se faciliter les choses. Alors si tu fais ce choix, fais-le en conscience. De même que si tu choisis de devenir responsable d’un cheval adulte, d’ailleurs. Pour ma part, je me suis toujours demandé avant d’adopter un animal si j’étais suffisamment prête pour lui. Financièrement bien sûr. Mais aussi émotionnellement et en terme de connaissances et de compétences pour lui assurer une stabilité et une sécurité sur tous les plans. Si je pouvais lui offrir de belles conditions de vie. Un espace épanouissant où grandir, évoluer et vieillir. Prendre la responsabilité du bonheur et de la santé d’un autre être doit se faire en toute conscience. Avec une grande lucidité sur soi-même, sur le défi que cela représente, sur l’investissement que cela demande.
Alors j’espère t’avoir aidée dans ta réflexion, et je te souhaite bonne introspection !