Renforcement négatif ou punition ?
Quand le renforcement négatif – appliquer une aide jusqu’à ce que le cheval y réponde – devient-il une punition ? Si on s’en tient à la définition scientifique que je vais détailler ci-après, ce sont 2 choses bien différentes. Pourtant, les 2 sont décriés, mal compris, et à mon sens la limite peut être très floue… Je t’invite à découvrir ma réflexion sur le sujet, si tu n’as pas peur des remises en questions !
Renforcement négatif et punition, définitions
Renforcement positif, renforcement négatif, punition positive et punition négative sont les 4 types d’une méthode d’apprentissage appelée conditionnement opérant. Le principe est soit :
- de renforcer un comportement pour inciter l’apprenant à le réitérer
- de punir un comportement pour décourager l’apprenant à le réitérer
Les termes « positif » et « négatif » sont ici à prendre au sens quantitatif. C’est à dire que l’on qualifie l’acte de « positif » s’il consiste à ajouter un stimulus et de « négatif » s’il consiste à en retirer un.
Le cheval fait un geste au hasard et tu lui donnes une friandise. Tu as ajouté une friandise à la situation de départ pour renforcer ce comportement qui te plait. On parle de renforcement positif.
Le cheval fait un geste au hasard et tu lui donne un coup. Tu as ajouté un coup à la situation de départ pour faire diminuer ce comportement qui te déplait. On parle de punition positive.
Tu poses ta main sur le flanc du cheval, il se décale, tu retires ta main. Tu as retiré ta main à la situation de départ pour renforcer ce comportement qui te plait. On parle de renforcement négatif.
Tu gratouilles le cheval, il te mord, tu retires ta main et tu t’éloignes. Tu as retiré ta main qui le grattait à la situation de départ pour faire diminuer ce comportement qui te déplait. On parle de punition négative.
Ce qui m’intéresse ici, c’est la différence et la limite entre renforcement négatif et punition positive. Détaillons tout ça pour bien comprendre.
Tout le monde utilise le renforcement négatif, même les inconditionnels du renforcement positif !
Le renforcement négatif est à la base de notre équitation. Tout le monde y a recours. Le seul moyen de l’éviter serait de ne jamais rien demander au cheval. Ni en le touchant, ni en utilisant un quelconque stimulus pour le mettre en mouvement. Ne serait-ce qu’un claquement de langue qui est un bruit dérangeant pour le cheval. Eh oui, même pas besoin de le toucher. Tu poses ta jambe à la sangle pour demander à ton cheval te s’incurver ? Tu lui as appris à céder à la tension de la longe ou de la rêne ? Il sait décaler ses hanches ou ses épaules quand tu poses un doigt sur lui ? Tu agites ta longe dans l’air pour lui donner l’indication de bouger ? C’est du renforcement négatif. Méchant, n’est-ce pas ?
Non, bien sûr. Si on y a recours avec douceur, le renforcement négatif est simplement un moyen de communication. Il peut se limiter à une main, une jambe ou un stick qui effleure le cheval. De mon expérience, pour un cheval un simple regard peut déjà être un stimulus inconfortable. Et donc utiliser ce simple regard pour lui faire une demande est déjà du renforcement négatif. Dans ce sens là, le renforcement négatif est un outil avec lequel je suis en accord.
Malheureusement, la façon dont il est enseigné et utilisé, en équitation classique comme dite « éthologique », me pose souvent un sérieux problème.
Quelle que soit l’équitation, la limite entre renforcement négatif et punition positive est souvent largement dépassée
Commençons par un exemple
Tu l’as déjà entendu mille fois, le cheval sent une mouche se poser sur sa peau. Tu l’as entendu mille fois mais qu’en as-tu retiré ? En quoi cela a-t-il modifié ta façon de communiquer avec le cheval ?
Penchons-nous sur les 4 phases de l’équitation dite « éthologique ».
Face à ton cheval, longe en main, tu le regardes en te grandissant pour lui indiquer de reculer. Renforcement négatif (R-), puisque tu reprendras une attitude neutre s’il recule. Il reste immobile, donc tu lèves à hauteur de ton visage la main qui tient la longe, index tendu, et tu bouges ce doigt de gauche à droite. Une légère ondulation est transmise à la longe puis au licol du cheval. Toujours du R-. Il reste immobile donc tu commences à faire partir ce geste de ton poignet. L’inconfort augmente. Le cheval est toujours immobile donc cette fois le geste part de ton coude et tu agites le bras de gauche à droite, envoyant de grandes ondes dans la longe. Ton cheval se prend l’extrémité de la longe attachée au licol dans le visage, voire même le mousqueton. N’est-on pas passé à une punition positive ?
On pourra me rétorquer que rester immobile n’est pas vraiment un comportement que l’on souhaite décourager le cheval de réitérer. Mais n’est-ce pas exactement ça ? Si je commence à m’agiter et que tu restes immobile, attention tu vas t’en prendre plein la figure. Même concept avec le carrot-stick qui s’agite simplement dans l’air puis finit par frapper de plus en plus fort. Ou dans toutes les équitations quand le cheval qui colle à la jambe se prend un coup de talon dans le flanc. Etc.
Le renforcement négatif est au plus un inconfort, une souffrance est toujours une punition
Pour ma part, dès que le cheval ressent une forme de souffrance, aussi minime soit-elle, il s’agit d’une punition. Faire souffrir, ce n’est en aucun cas communiquer. C’est punir. Pour un manque de réaction ? Pour une réaction jugée indésirable ? Ou pour une intention prêtée par un égo blessé ? Peu importe. C’est une punition positive. Positive au sens quantitatif bien sûr, puisqu’elle consiste à ajouter un stimulus douloureux.
J’irais même plus loin. Je dirais que peu importe non seulement l’intensité mais aussi la nature de la souffrance. Même si elle est psycho-émotionnelle, donc. Si le cheval ressent ta colère, par exemple, tu le punis. Car c’est un stimulus désagréable qu’il perçoit et qui lui provoque un stress. Eh oui, ton attitude intérieure a une importance de taille quand il s’agit de relation ! C’est loin d’être un détail pour le cheval qui la perçoit à la seconde et y réagit aussitôt dans tout son corps.
Par contre, je ne pense pas que la réciproque doive être vraie. Une punition positive, c’est à dire une action dont le but est d’éviter que le cheval ne réitère un comportement, n’a pas besoin d’entraîner une souffrance. Un simple inconfort, ou même un effet de surprise suffisent.
Une équitation qui se veut bienveillante devrait toujours bannir la violence et la souffrance
Une équitation qui se veut bienveillante ou positive devrait toujours bannir la violence et la souffrance. Sous toutes leurs formes. Je crois malheureusement qu’elles sont très banalisées dans le monde équestre. Il est donc impératif que chacun prenne le temps de se poser pour questionner sérieusement ses habitudes et ses pratiques. Parce que pour moi même le renforcement positif peut causer au cheval une forme de souffrance, comme je l’explique dans un précédent article. Un regard, une émotion, une tension dans une main, une friandise dans une poche, ont des implications bien plus profondes que ce qu’il peut sembler de prime abord. Et c’est d’abord en nous que tout cela nait.
Mais pour une remise en questions sincère et éclairée de nos pratiques, nous devons aussi cesser de nous accuser les uns les autres. Souvenons-nous que ce que nous jugeons chez l’autre est d’abord ce que nous jugeons et craignons de voir révélé en reflet chez nous. La bienveillance commence en soi, et elle ne peut pas être sélective. Alors oublie ce que font, disent ou pensent les autres et concentre-toi sur toi-même. Que peux-tu mieux aimer en toi pour mieux aimer le cheval ? Que peux-tu faire pour devenir plus douce encore dans ta façon d’être et de communiquer ?
Si tu as besoin d’aide pour répondre à ces questions, mes formations sont là pour t’aider…
Bonjour, merci pour cette article très intéressant. De ce fait, pour reprendre votre exemple si le cheval ne réagit pas à votre énergie et à une demande légère comment faites vous pour initier le mouvement du cheval ?
Avant de faire une demande à un cheval, je fais en sorte de l’y préparer au mieux. De façon à ce que lorsque je fais ma demande il soit déjà prêt à y répondre. Si j’ai bien préparé et que le cheval ne réagit pas à mon énergie et à une demande légère, je commence par réfléchir à la raison pour laquelle il ne réagit pas. A-t-il bien compris ? Est-il bien détendu et concentré sur moi ou a-t-il besoin d’aide pour retrouver son calme ? Est-il physiquement en capacité de me répondre ? Mon corps lui donne-t-il une indication contradictoire ? Si tout est ok, je vais par exemple agiter mon stick de façon à produire un bruit dans l’air et à faire réagir mon cheval. Ou bien, si je cherche ) décaler ses hanches par exemple, faire ma demande encore plus légère car il se peut que j’aie juste déclenché le réflexe d’opposition du cheval. Ou encore chercher à le chatouiller et le déranger avec mon stick, de façon à susciter un réflexe chez lui. Il y a une infinité de possibilités en fonction de la demande, du cheval et de la situation !